B. Tapie

Affaire Adidas: Bernard Tapie obtient réparation du Crédit Lyonnais

Il y a 14 heures

PARIS (AFP) — Après 13 ans de bras de fer avec le Crédit Lyonnais, Bernard Tapie a obtenu satisfaction devant la justice qui a condamné vendredi le Consortium de Réalisation (CDR) gérant le passif de la banque à verser réparation à l'ancien homme d'affaires pour le préjudice subi dans le dossier de revente d'Adidas.

Formé de trois personnalités, le tribunal arbitral chargé de solder ce litige, a condamné vendredi le CDR à verser 285 millions d'euros à M. Tapie qui s'estimait floué d'une plus-value conséquente réalisée par la banque lors de la vente d'Adidas en 1993.

Bernard Tapie a confié à l'AFP qu'il était "très heureux", se refusant à tout autre commentaire au nom d'une clause de confidentialité.

"Les arbitres allouent aux liquidateurs du groupe Tapie une indemnité en principal de 240 millions d'euros, au titre du manque à gagner, et une autre indemnité de 45 millions d'euros au titre du préjudice moral", selon un communiqué du CDR.

Le trio arbitral - Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, Jean-Denis Bredin, avocat, et Pierre Estoup, magistrat - a retenu "la responsabilité des banques (SDBO et Clinvest)". La Société de banque occidentale (SDBO) était la filiale du Crédit Lyonnais qui était chargée de vendre Adidas, tandis que Clinvest avait un rôle de conseil sur cette opération.

"Deux fautes ont été commises", souligne le tribunal, retenant "un manquement à l'obligation de loyauté" avec un défaut d'information et "une violation de l'interdiction de la banque mandataire de se porter contrepartie en achetant directement ou indirectement le bien qu'elle est chargée de vendre".

Si elle scelle l'objet central du contentieux, cette décision n'est que "partielle" avant un jugement définitif prévu d'ici fin juillet, selon une source proche du dossier.

En effet, il reste encore à apprécier les conséquences fiscales du montant de la réparation retenu, de sorte que le jugement s'applique dans des conditions de neutralité fiscale au vu des changements ayant pu intervenir depuis l'éclatement de l'affaire.

L'arbitrage fiscal sera plaidé par les parties devant le tribunal le 24 juillet, selon la même source.

Dans un communiqué, le ministère des Finances a réagi: "Cet arbitrage, rendu par des personnalités incontestables, avait été engagé par les parties pour mettre un terme définitif à des procédures contentieuses ouvertes depuis presque quinze ans".

Bercy a ajouté que "la plus grande part de l'indemnité (...) retournera aux caisses publiques, par le règlement de la créance détenue par le CDR et par le paiement des impôts et des cotisations sociales qui étaient dus à l'Etat".

Le CDR détient en effet une créance "brute" de 163 millions d'euros sur les liquidateurs du groupe Bernard Tapie, a précisé le président du CDR, Jean-François Rocchi, ajoutant qu'il allait "expertiser" la possibilité de déposer un recours en annulation.

Les liquidateurs du groupe Bernard Tapie avaient proposé au CDR, à l'été 2007, de régler en une seule fois tous les procès qui les opposent depuis 1995 en les soumettant à un tribunal arbitral.

En octobre 2006, la Cour de cassation avait cassé la condamnation du CDR à verser 135 millions de dommages et intérêts à Bernard Tapie, estimant qu'aucune faute n'était caractérisée à l'encontre du Crédit Lyonnais lors de la cession du groupe Adidas à Robert Louis-Dreyfus en 1993-1994.

Elle avait également décidé de renvoyer le dossier devant la cour d'appel de Paris, réunie dans une autre composition, pour le rejuger.

MAURICE LANTOURNE, son avocat

Quelles sont vos premières réactions ?

Maurice Lantourne. C'est d'abord un grand soulagement, un immense bonheur. J'ai vécu pendant douze ans ce combat quotidien au côté de Bernard Tapie et de son épouse, Dominique.

Bernard a déployé une énergie incroyable, il n'a jamais lâché. J'ai été le témoin des souffrances endurées dans un climat politique et médiatique particulièrement dur et partial.

Pourquoi avoir choisi la voie du tribunal arbitral ?

Bien qu'elle nous ait coûté quelques sacrifices, cette décision était devenue la seule solution pour mettre un terme à cette interminable affaire. En 2007, on nous annonçait encore six ou sept années de procédure ! On a accepté de nous en remettre à ce tribunal arbitral parce qu'il permettait de trancher dans un délai enfin raisonnable.

Comment décryptez-vous sa sentence ?

Avant tout, elle nous donne raison et elle est sans appel. Sur le fond, la décision rendue confirme bien que Bernard Tapie a été trompé lors de la revente d'Adidas. La banque a commis deux fautes. La filiale du Lyonnais a violé son obligation de loyauté et a trahi ses obligations de mandataire. Ensuite, le tribunal arbitral considère que M. et Mme Tapie ont fait l'objet d'une campagne nourrie d'agissements graves destinés à briser chez eux tout avenir professionnel et toute réputation. Cette sentence, et c'est très important sur le plan humain, réhabilite totalement Bernard Tapie et son honneur.

« Cette sentence démontre que Bernard Tapie n'a pas coûté un centime aux contribuables »

C'est-à-dire ?

Il faut se rappeler que Bernard Tapie a été le bouc émissaire idéal pour expliquer la faillite du Crédit lyonnais. On l'a présenté comme l'un des responsables de la déconfiture de la banque. Cette sentence démontre et confirme que Bernard Tapie n'a pas coûté un centime aux contribuables et qu'il a même permis à la banque, à l'époque nationalisée, de faire d'énormes profits.

Le tribunal s'est aussi penché sur la gestion d'Adidas...

Oui. Là encore, le rôle positif de Bernard Tapie est souligné. Le tribunal arbitral note que le redressement de cette société avait été quasiment assuré à l'époque de sa revente.

Que vont devenir les 285 millions d'euros ?

Gare aux fantasmes, cet argent ne vas pas aller dans la poche de mes clients ! Sur ce montant, 190 millions d'euros vont partir immédiatement dans les caisses de l'Etat. Il faudra aussi payer les différents créanciers des sociétés du groupe Bernard-Tapie, les frais qui ont été à la charge personnelle des époux Tapie...

Quelle somme touchera au final Bernard Tapie ?

Il est prématuré pour le savoir. Je dirais, avec toute la prudence qui s'impose, une trentaine de millions d'euros. Cela reste à préciser. L'essentiel est que mes clients vont pouvoir sortir de la liquidation.

Le tribunal doit rendre une sentence complémentaire la semaine prochaine. De quoi s'agit-il ?

D'un aspect fiscal. Il s'agit de savoir s'il existe des différences entre la fiscalité applicable à l'époque de la revente d'Adidas, en 1994, et celle d'aujourd'hui.

BERNARD TAPIE, hier, après l'annonce de sa victoire judiciaire

HIER, BERNARD TAPIE et son épouse Dominique ont guetté la sentence du tribunal arbitral ensemble. Le couple se trouvait à Paris, dans le cabinet de leur avocat M e Maurice Lantourne, sur les Champs-Elysées. Quand la sentence est tombée, les époux Tapie se sont longuement étreints, incapables de retenir leurs larmes de joie.

Un moment très intense. La décision rendue en leur faveur a été vécue comme une libération, l'épilogue heureux d'un interminable et éprouvant combat. « Depuis quinze ans, il ne s'est pas passé une seconde sans que cette affaire m'obsède. Je vous laisse donc imaginer mon immense soulagement », confie, la voix étranglée par l'émotion, Bernard Tapie, quelques minutes après avoir appris la nouvelle. « Pour tout vous dire, je me suis déjà senti plus mal ... », ajoute-il avec humour.

L'homme qui n'a jamais baissé les bras, pendant quinze années de procédure, savoure sa victoire mais a le triomphe modeste et altruiste. Il pense à sa femme, à son avocat, mais également aux anonymes qui ont subi ou subissent encore le même sort que lui. « Oui, aujourd'hui, et je dis cela sans la moindre démagogie, je pense à tous ceux qui sont confrontés à des problèmes identiques et, qui, faute de moyens et faute d'énergie, n'arrivent pas à aller jusqu'au bout de leur combat face aux banques, réagit Bernard Tapie d'un ton solennel. Car les banques, elles, vous ont à l'usure... »

A 65 ans, une fois encore, l'homme, comme un phénix, renaît de ses cendres. Il semble loin le temps de l'affront, lorsque les badauds faisaient la queue devant son hôtel particulier de la rue Bonaparte, dans le très chic VI e arrondissement de Paris, pour apercevoir ses objets d'art et son riche mobilier en train d'être saisis par les huissiers de justice. Voilà renvoyés au rayon des mauvais souvenirs les cinq mois et demi passés derrière les murs de la prison de Luynes (Bouches-du-Rhône), après qu'il a été condamné en appel à deux ans de prison dont huit mois fermes dans l'affaire du match truqué OM - VA. Entre splendeur et décadence, Bernard Tapie ne cesse de se « refaire », et la décision d'hier vient ajouter un chapitre à sa vie romanesque. Pas grand-chose ne prédestinait ce petit gars du XX e arrondissement, qui a grandi dans une famille modeste - son père est ouvrier chauffagiste -, à devenir ce touche-à-tout controversé, qui, s'il ne fascine, exaspère et, en tout cas, ne laisse personne indifférent.

Une vie pleine de rebondissements

A 23 ans, il américanise son nom en « Tapy » pour se lancer dans une brève carrière de chanteur mais, finalement, c'est dans un tout autre domaine qu'il devient célèbre : l'achat, la remise sur pieds, et la revente d'entreprises en difficulté, comme la Vie Claire, mais aussi Terraillon, Testut, Manufrance, ou Adidas en 1990. Le charisme gouailleur et l'énergie débordante de Bernard Tapie le propulsent sur la scène politique ; engagé au Parti radical de gauche (dont il a été évincé après s'être rallié à la candidature de Nicolas Sarkozy pour la présidentielle de 2007), il séduit François Mitterrand qui le nomme, pendant quelques mois, ministre de la Ville sous Pierre Bérégovoy. « Les Guignols de l'info », eux, n'ont pas attendu cette consécration ministérielle pour en faire l'un de leur personnage favori, « Nanard », dès 1988.

L'homme développe tous les sens du mot « affaires », jusque dans sa passion pour le foot, et prend la direction de l'Olympique de Marseille à sa grande époque. Il incarne, au milieu des années 1990, l'image sulfureuse d'un homme qui marie affairisme et politique dans des liaisons plutôt dangereuses. Jusqu'à ce que le match truqué OM - VA, pour lequel il est condamné pour subornation de témoins, n'entame sa chute. En 1998, l'homme, sorti de prison quelques mois plus tôt, doit 285 millions de francs au fisc, et les banques lui réclament un milliard de francs.

Pris à la gorge, le Petit Prince déchu des affaires semble définitivement hors circuit. C'est sur les planches et devant les caméras de TF 1, pour lequel il est le « Commissaire Valence » qu'il entame une énième carrière, plus humble, au début des années 2000. Hier, comme un chat, Bernard Tapie est encore une fois retombé sur ses pattes. On dit que les chats ont sept vies.

Apres 15 ans d'enquete, et de mensonges, ça le rehabilite un peu...Il va pouvoir revenir à l'OM

Ca doit être la plus grosse indemnité jamais prononcée en France... même les ricains vont être jaloux^^